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Publié par Anne Bonew

Le marais Biestebroeck à Anderlecht est une zone humide apparue spontanément entre 2005 et 2009 dans une friche industrielle à l'abandon depuis 2000. Il est concerné par le projet de densification "The Dock" : 343 logements privés, 11 commerces et 184 places de parking, de quoi imperméabiliser ultérieurement les sols historiquement marécageux du quartier. L’enquête est du 03/04 au 02/05. La concertation le 16/05. Les infos ici.

Pétition : https://www.change.org/p/stop-b%C3%A9ton-sauvons-le-marais-de-biestebroeck

Ci-dessous, ma réaction à l'enquête publique qui s'articule autour des thèmes suivants :

  • le contexte d'urgence climatique
  • imperméabilisation des sols (12 000 m2)
  • suppression de la couverture végétale = création d'îlots de chaleurs urbains
  • destruction de la biodiversité
  • potentiel d'espace vert accessible au public

 

Préambule : le contexte d’urgence climatique

La Commune d’Anderlecht, comme les 19 communes de la Région de Bruxelles Capitale, a signé en 2019, une motion reconnaissant l’urgence climatique et s’est engagée à œuvrer pour rendre la ville résiliente face aux changements climatiques attendus. J’appelle de tous mes vœux les autorités publiques à faire en sorte que ces intentions soient suivies d’actions concrètes. Notamment en passant toute décision urbanistique au crible de questions telles que

  • Comment ce projet contribue-t-il à rendre la commune résiliente ?

  • Ce projet préserve-t-il le patrimoine vert de la Commune ?

  • Quel est l’impact du projet sur le ruissellement des eaux ?

  • Ce projet est-il durable ?

  • Favorise-t-il une économie circulaire et locale ?

J’ose espérer que c’est déjà le cas.

Imperméabilisation d’une surface de plus de 12 000 m2

Les sols de la Région de Bruxelles Capitale ne cessent d’être imperméabilisés, comme le révèlent les derniers chiffres publiés par ibsa perpective.brussels : le taux d’imperméabilisation de la Région est passé de 40 % en 1993 à 55 % en 2022, soit une augmentation de 15 %. La commune d’Anderlecht présente le même bilan : 42 % en 1993 et 56 % en 2022, soit + 14 %.

1. Imperméabilisation à 75 % : le projet passe d’une imperméabilisation au taux de 0 (si l’on en croit la situation de terrain) ou de 52 % (si l’on en croit le dernier relevé de Bruxelles Environnement non daté) à une imperméabilisation au taux de 74,74 %. L’eau ne ruissellera plus dans le sol comme c’est le cas actuellement, mais sa gestion nécessitera l’installation d’une infrastructure coûteuse.
Ceci est un point préoccupant, dans la mesure où tous les efforts doivent être entrepris à l’heure actuelle pour faire des villes des « éponges » et les rendre moins sujettes aux dégâts causés par les ruissellements d’eau excessifs. Les recommandations de Bruxelles Environnement sont limpides à ce propos  :

L’imperméabilisation importante des surfaces dans notre Région provoque un ruissellement problématique des eaux de pluie. Le réseau d’égouttage existant n’est pas adapté pour reprendre de nouveaux déversements d’eaux pluviales. C’est donc le cas des eaux de pluie provenant de nouveaux espaces imperméabilisés, que ce soit lors de pluies courantes ou lors d’orages. [...]

L’évolution des pluies, plus intenses et de plus courtes durées, projetée par le changement climatique laisse craindre une augmentation de ces phénomènes, si rien n’est entrepris.

Enfin, la multiplication des surfaces imperméables mène, en période estivale, à la création du phénomène d’îlots de chaleur urbains.

Ce n’est donc pas en augmentant le taux d’imperméabilisation d’une surface urbaine que l’on va contribuer à l’effort nécessaire visant à rendre la Commune et la Région plus résiliente, notamment en matière de gestion des eaux de pluie.
Suppression significative de la couverture végétale

2. Dimension écosystémique : d’après les données disponibles de Bruxelles Environnement, le site est végétalisé à 61,6 % et compte 16,2 % de végétation haute.

Une visite sur le terrain mettra immédiatement en évidence que ces chiffres sont datés, comme en témoigne cette photographie aérienne, dernière en date de Bruciel : on voit clairement que la totalité de la surface est végétalisée, soit 12 421,63.  Mesures CADGIS

Marais Biestebroeck
Evolution de la friche 1953 > 2010 ?

On peut raisonnablement émettre l’hypothèse que le pourcentage de végétation haute est resté identique aux données renseignées par Bruxelles Environnement, ce qui équivaut à 2 012 m² de canopée. (12 421m2 * 16,2 % = 2 012 m² )

Cette surface correspond à 40 arbres à haute tige. (Bruxelles Mobilité estime qu’un arbre à haute tige représente 50 m² de canopée.)

 

Supprimer cet ensemble de végétation haute, équivaut à priver immédiatement la commune de leurs nombreux bénéfices tels que

  • production de 40*10 kg d’oxygène par jour (hors hiver, source : clic)  soit 400 kg d’oxygène par jour ;
  • capture de 40*22 kg de CO2 (source : clic) soit 880 kg de CO2 rejeté dans l’atmosphère par jour.

D’autre services écosystémiques, tout aussi importants, comme la lutte contre le ruissellement des eaux de pluie, seraient immédiatement réduits à néant. La littérature abonde au sujet de l’intérêt primordial de conserver les espaces naturels existants en milieu urbain. Voir, par exemple, cette publication du Musée d’Histoire naturelle.

Les espaces de verdure contribuent directement à la qualité de la vie en ville, notamment par leurs services écosystémiques. S’en priver, de façon radicale et immédiate, paraît donc peu responsable, sachant que tout arbre nouvellement planté ou toute verdure nouvellement installée mettront de nombreuses années à fournir ces mêmes services.

Destruction de la biodiversité

3. De l’intérêt des zones humides en milieu urbain : la parcelle est une zone en friche qui présente une certaine biodiversité caractéristique de ce type de zone qui permet notamment à certains animaux de profiter des poches d’eau qu’elle contient. La friche résulte du démantèlement et de la démolition des installations de stockage d’hydrocarbures de la société Shell (2004). Des opérations d’assainissement ont été réalisées au début des années 2000 : la partie nord du site a été excavée dans le cadre d’opérations d’assainissement créant une dépression assez profonde et difficile d’accès où se développent diverses plantations.

Les rôles biologiques et paysagers des zones humides sont reconnus à l’échelle mondiale par la Convention de Ramsar. Un tel site est à prendre en compte tant comme zone de biodiversité que comme site de liaison écosystémique. D’autres sites industriels bruxellois ont connu un tel parcours. Citons, parmi ceux qui sont désormais protégés, reconnus, classés comme site, et/ou protégés comme réserve naturelle : le Moeraske à Evere, le Scheutbos à Molenbeek, les Marais de Ganshoren et de Jette ou encore le site de la Laiterie à Anderlecht.

4. Une biodiversité typique des zones humides : le site naturaliste observations.be recense une faune et une flore typiques des zones humides.

  • flore : d'importantes roselières, marsaults, saules blancs, peupliers, bouleaux, frêne, chêne à divers stades de développement. Ronciers, zones sèches, de pierrailles où l'on voit se développer une flore saxatile (orpin, lichens) ; quelques espèces se développent, telles l'eupatoire chanvrine, attestant du développement de l'écosystème.

  • faune : canard colvert, gallinule poule d’eau, pouillot véloce, fauvette babillarde… 28 espèces d’oiseaux ont déjà été observées.

Ce type de végétation de friche présente des espèces caractéristiques de la flore et de la petite faune et constitue un habitat atypique en milieu urbain : les fauvettes babillarde ou grisette ; ces dernières s'y sont posées au cours de leur migration printanière, démontrant l'intérêt d'un « chapelet » de zones naturelles, même de petite taille, peu ou non fréquentée par les humains,  jouant le rôle d'aire de repos, voire de séjour pour la faune, elles constituent autant de maillons d'un réseau écologique favorisant les connexions biologiques, les migrations des espèces, etc. 

Préserver le marais qui s’est constitué, c'est maintenir un couloir écologique dans la zone canal qui voit l'habitat des animaux et des plantes toujours plus grignoté par les gros projets immobiliers qui poussent autour du bassin de Biestebroeck. 

Par conséquent, le projet prévu, s’il devait être réalisé reviendrait à supprimer ce site à la biodiversité qui s’y est implantée spontanément et supprimer un couloir écologique existant, ce qui paraît incohérent au vu des objectifs affichés de la Commune et de la Région de préservation et d’augmentation des espaces verts.

Espace vert accessible au public : le potentiel du site

5. Carence en espaces verts accessibles au public. Un récent rapport de perspective.brussels (page 6) met en évidence la carence en espaces verts accessibles au public : « l’offre par habitant stagne en 40 ans : elle passe de 25 m² par habitant en 1981 à 24 m² par habitant en moyenne à l’échelle régionale en 2023, selon les données comparatives. »

Or, on note que le projet ne crée aucun espace vert public mais seulement des espaces privés ou semi-privés.

Ceci est regrettable d’autant plus que le site a déjà prouvé son potentiel en tant qu’espace vert ouvert au public : le Marais Biestebroeck a fait l'objet d'un projet artistique dans le cadre de l'édition 2012 de la biennale G A R D E N— Parckdesign 2012. Le projet du bureau OOZE , "Source friche", planté dans la zone du Marais Biestebroeck se proposait de produire de l'eau potable à partir du gisement pollué d'eaux de pluie et de nappes phréatiques accumulées sur un ancien site industriel.

 Marais Biestebroeck
(c) Ooze - Installation sur le site du Marais Biestebroeck

 

Conclusion : il faut préserver le Marais Biestebroeck

En conclusion, je suis fermement opposée au projet pour les raisons suivantes. S’il était réalisé, il signifierait

  1. une imperméabilisation du sol à 75 %,

  2. une perte immédiate de services écosystémiques offerts par la couverture végétale actuelle,

  3. la perte d’une zone humide en milieu urbain (donc, contribution à l’effet d’îlot de chaleur),

  4. la destruction d’une zone de biodiversité rare en ville et perte d’un couloir écologique dans la zone du canal,

  5. l’opportunité ratée de mettre un espace vert supplémentaire à la disposition des Anderlechtois et de tous les Bruxellois.

Je vous remercie de tenir compte de ces observations dans votre prise de décision. Je souhaite que mes remarques soient reprises intégralement dans le compte-rendu de la décision et reste à votre disposition pour toute information complémentaire.

Je souhaite être entendue à la commission de concertation.

 

 

Localisation : 50° 50′ 17″ nord, 4° 19′ 00″ est

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